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La pratique du dessin est, pour moi, une évidence dans l’exercice du métier de paysagiste.
Mon envie de dessiner est de plus en plus forte depuis le début de ma formation à l’École Nationale Supérieure du Paysage. Le dessin me paraît le meilleur instrument pour représenter le vivant. Il ne peut s'employer de manière « réglée » car il intègre, plus que tout autre outil, l’inconnu, l’erreur, le hors-champs, le flou, l’inconscient, la subjectivité… « C’est la main qui pense ». Je l'utilise donc dans tous mes projets, essentiellement pour traduire ma vision d'un territoire.
Par delà ce regard, mon futur métier met aussi en œuvre un mode d’action, partie prenante du faire, faisant appel à une certaine créativité et une sensibilité artistique particulière. Le paysagiste doit pouvoir « lire le paysage », comprendre ses enjeux, ses besoins, son avenir, ses potentiels au travers d'abord de ce qu’il en voit.
Dessiner permet, rapidement et efficacement, comme un réflexe, de retranscrire les premières impressions et idées, sous forme de croquis, schémas, relevés... Ces dessins seront les traces de la « relation » éphémère établie entre l’homme et le tableau-paysage, si violente et courte soit elle.

Les raisons mêmes pour lesquelles certains renoncent à la pratique du dessin à la main - manque de rapidité, difficulté à maîtriser la technique, maladresse des images produites... - sont autant de qualités que je lui attribue.

A force de vouloir représenter le paysage comme objet cerné, précis et prévisible grâce aux calculs, avec des outils qui ne peuvent pas « faire de rature », on finit par perdre un peu de ce qui caractérise le métier du paysagiste : travailler avec le vivant, pour les vivants.
C’est dans son processus d’élaboration et dans l’inexactitude que réside la force d’un dessin. Qu’il soit fait en deux minutes ou en cinq heures, il porte la marque du temps, celui de sa réalisation, du moment précis de ce qu’il représente : un lieu vu par un individu, à un instant donné. Une vision subjective d’un être imparfait qui, le temps du dessin, prend possession d’un lieu. C’est finalement dans sa singularité que réside la dimension universelle d’un dessin.

En pratique, je dessine à chaque étape d'un projet : prise de notes lors d’une analyse de site,  recherche et représentation d’idées, et enfin moyen de communication. Je remarque d'ailleurs, comme un fait regrettable, qu'en « apprenant  à dessiner », j'ai perdu un peu de spontanéité. Ayant d'abord appris la peinture et toujours dessiné par plaisir, je reste attachée à représenter ce que je vois de la manière la plus précise possible et aujourd'hui, ma faiblesse, dans l'élaboration d'un projet, reste la conceptualisation, oublier le réel, le détail, pour isoler une idée générale et ne représenter qu'elle. Je suis d'ailleurs impressionnée de voir à quel point certains concepteurs parviennent à s'abstraire de la réalité pour représenter ce qu'ils imaginent.

Le dessin est une langue vivante que la plupart des enfants pratiquent avant même de savoir parler, de manière évidente et innée. Pourquoi certains « bons dessinateurs » consacrent-ils tant d'efforts à retrouver ce rapport infantile et « primitif » au dessin ? Ce paradoxe me plaît...

Louise Lefebvre