Dans le fait de dessiner quelque chose, il y a une multiplicité de rapport au temps. C'est prendre le temps de regarder de dessiner, de comprendre un espace, un volume, d'en saisir l'expression, la singularité de ce que l'on regarde à un moment précis. Capter un instant, la trace d'un moment déjà passé.
C'est en même temps une métaphore, un point de rencontre entre la réalité et la pensée. On dessine toujours depuis un point de vue, spatial ou personnel qui oriente le regard, une manière de représenter ce qui nous entoure et soi -même.
J'aime bien comment au début d'un croquis, d'une gravure, tout est possible.
A partir de la feuille, se révèle quelque chose. D'une infinité de possibles se définit un dessin. Dans cette écriture de la pensée, il y a un travail de concentration, pour aller au plus important, et retranscrire une idée. Faire les choix de comment on va représenter, les points sur lesquels on va insister. C'est une possibilité de poser, de matérialiser la réflexion d'une façon plus expressive et nuancée, plus proche de ce que l'on voit que ne peuvent l'être les mots.
Le parallèle avec l'écriture est intéressant, comme un texte on construit un dessin. On peut faire des citations, des métaphores, et utiliser des images. Il faut du temps pour acqurir une maîtrise du geste, avoir une écriture propre en adéquation avec ce que l'on cherche à exprimer.
C'est toujours un défi de représenter ce mouvement de la conscience. Comment le regard, et la pensée font écho à ce que l'on voit, ce que l'on a vu. Les carnets sont bien pour saisir les petites choses, bribes d'idées, impressions et notes qui nourrissent la réflexion; entre observation et pensée, une image qui nous traverse la tête.
Dans le travail de gravure, je me suis intéressée aux images qui fonctionnent comme des espaces de projections, jouant sur la capacité des gens a s'imaginer comme faisant partie d'un lieu. Le trait en gravure apporte une résonance par ses imperfections.
Lucie Balanca