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Dehors
Les habitants des îles Fidji aiment le rappeler : la lenteur est un art de vivre. L’apaisement intrinsèque semble soudé à la vie insulaire. Dans un retour en arrière annoncé par l’exaspération du progrès, peut-on sous-estimer l’influence des paysages sur le rapport que l’on entretient avec le temps ? La lenteur contagieuse et attachante des fidjiens viendra-t-elle infuser dans les derniers archipels pacifiques de notre pays ?

Prenons le temps donc, dehors, à l’épreuve du terrain, et considérons comme Tim Ingold l’acte de dessiner comme une manière de dire.

À ce sujet, le vieil anglais writan et le grec graphein ont tous deux un rapport avec l’idée de gratter, de graver, ou d’inciser une surface à l’aide d’une pointe. (Derrida, 1967)

Medium
La “carte pastel”, support mis au point par Sennelier pour la technique du pastel tendre, est constituée d’une couche granuleuse appliquée sur un carton bois. La surface abrasive, à l’allure de papier de verre, s’effrite au toucher. En grattant ou frottant le support, le grain sombre laisse place au carton clair.

Ce dossier retrace la découverte (par inadvertance) et l’exploration d’un procédé graphique non conventionnel liant une carte pastel et une lame de cutter. Une grande partie des “grattages” présentés sont extraits de mon travail de fin d’études sur le Causse Méjean, un paysage aride et lunaire. Le médium parle, avec son grain et ses imprécisions, des rondeurs et des lumières du paysage caussenard, rocailleux et infiniment sec.

Trajectoires
1. Analogies photographiques
J’entretiens avec mes premiers grattages un rapport proche de celui de la photographie argentique : la recherche de lumière. Il s’agit de s’immiscer dans l’image latente et de prendre le temps d’extraire, grain par grain, chaque rayon de lumière, rompant ainsi la relative instantanéité de la photographie.

2. Cartes nomades
La volonté de sortir d’une représentation « photographique », liée à la vue depuis le sol, m’a naturellement conduit à la cartographie. Le support est désormais pris comme un espace d’expression plus libre, une échappatoire, où j’écris par des signes instinctifs l’évolution d’un territoire qui se dévoile. La carte telle qu’elle apparaît est finalement la trace d’un voyage qui a déjà eu lieu. Le raconter est le dessiner.

3. Intonations
Alors que l’approche photographique initiale tranche entre le lumineux et le sombre, que la seconde préfère s’écarter d’une représentation “telle que l’on voit”, il est à présent envisageable de distinguer le plein du vide, le traversé de l’inexploré, le plat de l’abrupt, le souple de l’inflexible, etc. Quel sens donner à la surface grattée ? Il s’agit de jouer avec la matière, et notamment de travailler sur deux curseurs qui s’entremêlent : la tonalité produite par le retrait du grain et la technique de grattage : disposition de la lame, force, répétition. Dès lors, je m’affranchis de certains détails et fais davantage de choix. Cette manière d’appréhender le grattage, en décortiquant la façon même dont je l’opère, me libère de nouvelles possibilités de représentation.

Finalement, le “grattage” tel que je l’ai expérimenté revient à explorer le champ des possibles offert par une carte pastel de couleur quelconque et une lame de cutter. Ce procédé reste encore largement à approfondir, par exemple en utilisant différents outils de grattage, en incorporant de la matière ou en travaillant sur la couleur.

Maxime Bardou

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