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apelbaum

Le timbre a toujours eu une relation particulière au dehors, collé sur l’extérieur de l’enveloppe, il est l’usure du voyage épistolaire. Voyageur de l’espace, il est marqué par le temps. Oblitéré, il s’affranchit de sa valeur. Arrivé à destination, il livre son message et s’efface dans l’écrin du courrier. Ornement d’un voyage passé, sa valeur affective invisible le conserve, emblème du messager, du souvenir. Avec l’arrivée des nouvelles technologies le timbre devient une des icônes de la communication de naguère. A mi-chemin entre l’orfèvrerie et les arts imprimés, il permettait à tous de voyager tout en restant chez soi. Reproduction en image d’un pays, d’un monument ou d’une œuvre d’art, il s’attribue le rôle de messager de la beauté du monde extérieur.

Le timbre qui permet l’acheminement de la lettre ouvre la possibilité du voyage, du chemin vers l’autre et l’ailleurs. Il procure cette sensation de plonger dans la dimension externe, l’altérité, l’inconnu d’un lieu, l’invitation d’un récit,... d’un voyage,... d’un dessein / dessin. À travers le timbre se déploie toute la fiction du dehors à élucider.

C’est à travers le paysage que je me suis ouvert au dessin.

Lors d’un voyage dans le Verdon, j’ai eu la chance d’éprouver l’éloignement. La distance à l’autre qui nécessite de combler l’absence… d’écrire, d’évoquer, de transmettre... Expérience de remise en question et de l’angoisse de la page blanche. Hors de mon ordinaire, de cet hors de moi, le dehors m’étreint. Dans la montagne , c’est le paysage lui-même qui est venu à moi pour m’en délivrer. Sur un sommet, les nuages blancs se sont mis à courir le long des flancs de la montagne. D’un vent lent, les brumes ont dissous le monde. L’angoisse de la page blanche s’est fondue sous l’apaisante blancheur qui recouvrait peu à peu la cime sur laquelle je me trouvais. Le monde que j’avais toujours connu sous sa forme de paysage c’est alors réduit à un fragment.

De l’absence à l’oubli... les paysages racontés, … les timbres oblitérent l’histoire des contrées visitées, des existences suspendues, des traces perdues, à retrouver...

Le timbre devient le complice des voix du désespoir, des voies de l’espoir. Il est aussi, du fond des tranchées, le messager de l’oubli qui fait la part belle au rêve, à l’imagination.

Dans les errances, aux dehors de tout… Les timbres, petits facteurs, deviennent des héros, des talismans qui rapprochent ceux qui restent de ceux qui sont partis.

C’est lorsque les timbres se réunissent, invités à collection, qu’il font sens : fragments de réalité, ils sont les témoins de chacun des voyages, ils sont unité de toutes les diversités, facettes d’un même cristal, présence intemporelle des ailleurs dehors.

Par ces temps troublés par l’isolement et surmenés d’abondance d’outils de technologie de communication, notre besoin de dehors est criant. Comment créer une extériorité alors que le virtuel ronge notre intériorité ? Écrire ? Dessiner ? Exister... par l’échange de matière et de contenu. Voir, toucher, sentir, ce qui est encore possible.

Pour les dessinateurs c’est sur ce “papier à l’être” que nous existons.

C’est au dehors de ce papier à lettre et de son enveloppe que j’existe en dessinant les timbres.

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