Inspirations, intentions, esquisses.
En architecture comme en urbanisme, le dessin intervient dès les premiers instants de réflexion : un croquis du terrain pour comprendre les enjeux d'un espace, une intention de construction, une expérience de la forme par le trait... Chaque bâtisseur l'utilise à sa guise afin de matérialiser une idée ou une situation. Dans ce premier geste, les pratiques sont spontanées et inventives. L'association Les Traces Habiles a su déceler l'intérêt de ces empreintes manuelles propres à plusiuers champs de création. Depuis 2011, elle collecte et valorise ces dessins : “Captations du réel, fragments informes, esquisses créatives, gammes quotidiennes ou dessins de synthèse réalisés après coup...". Autrefois considéré comme un préalable pour devenir architecte, le dessin manuscrit, qui a failli devenir optionnel dans certaines écoles, est aujourd'hui revenu en force.
L'association Les Traces Habiles montre comment le dessin est susceptible de faire avancer le projet. Parmi sa large collection, on trouve une série de dessins réalisés par l'architecte François Seigneur en 2003 lors de la conception d'une canopée urbaine à Shanghai. Au fil de ces dessins se précise une pensée, un bâti. Loin du dessin soigné, abouti, du dessin dit de communication, la construction se raconte dans des formes approchantes, des recoupements de traits ; les images successives documentent un processus de conception qui se joue autant par la pensée que par la main. La série relate également différentes phases du dessin dans la conception architecturale : le dessin d'inspiration ; le dessin d'intention qui “jette une première pensée en s'appuyant sur un site, un programme mais peut aussi être lié à un concept ” ; l'esquisse “qui vérifie les hypothèses en intégrant les notions de gabarit, positionnement, dimensionnement et teste la faisabilité d'une idée”. Chaque phase précise le projet. Aux dessins d'esquisse et d'intention succèdent les avants-projets qui regroupent les informations lors des différentes validations de la maîtrise d'ouvrage. Enfin viendra le dessin de projet.
Les dessins d'inspiration et d'intention peuvent être très libres et très créatifs. Chez Jalil Amor, ils peuvent s'élaborer en peinture, avec des perturbations d'angles ou d'échelles et l'intégration de scénarios prédisant les usages des lieux à venir. Une projection sophistiquée en couleur qui laisse place à la rêverie.

Quant à l'architecte Jean-Jacques Hubert, il dessine “pour démarrer un projet, une nouvelle histoire - témoigne-t'il - à la manière d'une prise de notes, réduite à sa plus simple expression. “Le croquis est simple, fruste, réductuer et ne reflète pas toute la complexité de l'idée” exprime t'il lui-même. Page après page, ses carnets racontent ces enchainements d'idées.

Pour séduire et pour construire...
“Même s'il peut être le fruit d'une discussion au sein de l'agence, le dessin d'intention reste une pratique individuelle. Mais l'esquisse qui le suit est souvent partagée ou confiée à d'autres pour une éventuelle mise en forme numérique. Là où l'informatique permet de travailler à différentes échelles, le dessin manuel demande de reprendre chaque traçé...

Caroline Bouige, directrice éditoriale de la Revue “Fonderie”